Histoire de Kina'unil

Histoire :

C'est au bord d'un grand lac, une nuit de pleines lunes, que Yeri m'a trouvée.
Yeri, c'est ma mère adoptive. Elle est guerrisseuse et est en couple avec Ta'an, un chasseur hors-pair, et tous deux m'élevent comme leur propre fille depuis l'âge de quatre ans. Avant, je passait le plus clair de mon temps perchée dans les arbres, en observant les humains. Une espèce bizarre je trouve. Ils portent tous la même combinaison et le même casque verts, leurs même grosse arme à la main. Mes parents m'interdisent de les approcher, ils sont "trop dangereux et trop stupides" comme ils disent. Mais moi, je voulais en savoir plus sur ces créatures étranges...
J'avais neuf ans et ce jour-là, ma vision des humains a brutalemment changé, comme pour tout mon clan d'ailleurs. Je vais vous raconter l'histoire qui m'a dégoutée de ces ordures qu'on appelle humains...

Ce triste jour ou j'ai su ce que je deviendrais, le moment ou j'ai vu mon avenir tout droit tracé, j'avais neuf ans et j'avais harcelé mon frere ainé, Prakx'hon âgé de dix-sept ans, pour qu'il m'emmène assister a son entrainement...

" - Aller! S'il te plait!!! Sa'nu (maman) n'en saura rien! Promis!!
- Non! Ce sera encore ma faute s'il t'arrive quelquechose, dit mon frère.
Là, je sors mon masque "tristesse". Mon frère abdiqua.
Nous marchâmes plusieures heures, Prakx'hon faisant de grandes enjambées et moi, trottinant derrière lui le sourire jusqu'aux oreilles.

Nous débouchâmes ensuite dans une petite clairière ronde, ou plusieurs hommes, certains ,bien plus agés que mon grand-frere, combattaient avec des épées ou tiraient a l'arc. Une ambiance "camp millitaire" regnait dans la clairiere ensoleillée. Prakx'hon se tourna vers moi :
- A partir d'ici, je ne veux plus t'entendre. Tu ne devrais pas etre ici, alors tache de faire comme si c'était le cas.
Je hochais la tete et il désigna du doigt un tronc mort comme celui ou je devais m'assoir, en
essayant d'adopter un air sévere qui disait : "Si tu bouge, tu auras affaire a moi.".
Je m'assis sagement. Mon frere salua ses compagnons, attrapa une lance et engagea un rude
combat avec l'un des hommes. Si je ne savais pas que c'était un entrainement, j'aurais pu penser qu'ils se battaient vraiment. Quelques quinze minutes plus tard, de grosses gouttes de sueur perlaient leur front. Pendant qu'ils se donnèrent de grandes tapes amicales dans le dos en ricanant bruyamment, celui qui semblait etre le doyen du groupe hurla aux autres de partir au plus vite car une horde de créatures approchait.
Avant que je n'ai eu le temps de dire quoi que ce soit, en un clin d'oeil je me retrouvais sur
le dos de mon frere qui courait si vite que j'eus bien du mal a voir ce qui se passait autour de moi. Nous nous enfoncions dans la forêt. Un guerrier s'étala soudain au sol, le sang ruisselant de son crâne. Tout le monde fit demi-tour. Prakx'hon bondit au sommet de l'arbre le plus haut a portée de main et me dit :
- Je veux ta parole. Quoi qu'il m'arrive, ne bouge pas. Je ne veux pas que tu descendes.
C'est un ordre.
Mon frere sautait sur le terrain avec ses compagnons, leurs lances et leurs machettes a la main, prêts a l'assaut. Tous étaient tournés vers la végétation dense. Un silence plombant s'installait. Leurs oreilles s'aiguisaient à mesure que le temps passait. Ils pouvaient percevoir le moindre son. Petit a petit, un bourdonnement lointain se raprochait. J'observais la scene du haut de mon arbre. En bas, ils attendaient tous que l'inévitable surgisse des feuillages. Les secondes étaient interminables, tandis que le petit bourdonnement de départ s'emplifiait, presque assourdissant. Tout a coup, les feuilles se déchirent, devoilant des mastodontes jaunes, ainsi que plusieurs humains, pareils à ceux que j'avais l'habitude d'épier du haut des branches.

Ils tiraient sur tout ce qui bougeait. Mon frere et ses camarades se battaient vaillamment.
La lutte dura plusieurs minutes. Du haut de mon arbre, j'avais peur pour mon frere, et j'avais en même temps un espoir, naif, de prendre part au combat. Une voix dans ma tete me disait de foncer, une autre de me souvenir de ma promesse. Alors je pris la décision que si ça tournait mal, je la romperais . Les minutes s'écoulaient et les morts s'écroulaient. Bientot, il ne restait que quatres hommes, mon frere inclus.
Cela ne dura pas.
Prakx'hon venait d'etre touché, ainsi qu'un de ses amis. Une grosse machine sur pieds venait del'envoyer bouler contre un rocher. Je bondit de ma cachette et me ruait vers lui. Il avait perdu connaissance. Je fouillais dans son sac a la recherche d'un quelconque remede et jefinis par le trouver. Je lui versait dans la bouche le contenu de la petite fiole blanche et Prakx'hon rouvrit les yeux. Il ne parvenait néanmoins pas a prononcer le moindre mot, mais le regard suffisait. Il était tres mécontent que je lui désobéisse.
- Pardon Prakx'hon, mais je ferais tout pour que tu n'y restes pas.
J'attrapais une machette trainante et me faufillais vers le plus gros engin. Il ne semblait pas
m'avoir vue, tant mieux. Je grimpais a l'arriere , cherchant une faille, une faiblesse pour y
enfoncer mon couteau.
"Haha!, pensais-je." J'avais trouvé a droite, un trou d'environ vingt centimetres. J'y plantais
la machette. Rien ne se produisit. Mais une vision d'horreur me paralysa : Un robot venait d'écraser Prakx'hon.Aucun bruit ne me parvint plus aux oreilles à partir de cet instant. Je ne réalisais pas. C'était impossible. Le doyen décocha une flèche dans la vitre du dernier robot restant, celui ou je me cramponnais.L'humain ne tarda pas à suffoquer, puis à mourrir.
Le calme revint, mais les larmes me montèrent aux yeux. Dans un état second, je m'effondrais à coté du corps broyé de mon frère. Après, j'eus un trou noir. C'est à peine si j'avais conscience de se qui se passait. Lorsque je sortais de ma transe, j'étais rentrée chez moi."

Le lendemain, la cérémonie d'enterremment de Prakx'hon se déroula le soir, a la tombée
de la nuit, ainsi que celui de tous les autres hommes tués . Je m'étais promis de ne pas pleurer. La Tsa'hik prononça quelques prieres et les corps furent mis en terre. C'est la que je compris, tout au fond de mon etre, que je serais guerriere. Je vengerais mon frere. Je ne l'ai jamais dit a mes parents. Ils ne supporteraient pas. En attendant, je dois poursuivre ma vie, et comme on dit, la douleur ne s'estompe jamais vraiment. Elle reste présente, mais elle s'apaise avec le temps...

Je levais les yeux sur le ciel étoilé et une larme roula sur ma joue.