Curieuse rencontre ( pv Ean'muä )

Ean avait toujours eu une attirance particulière pour les choses inhabituelles. Elle n’était qu’à quelques centaines de mettre lorsqu’elle entendit le son des pales d’un hélicoptère, les Humains avaient l’art d’être discrets, c’était le cas de le dire. Se diriger vers le danger semblait être une seconde nature chez la Na’vi, tout comme le fait de ne jamais sortir armée... Elle avait décidé d’aller vers ce bruit sans même prendre le temps de réfléchir, ou tout du moins elle faisait confiance à son sens de décision immédiate. Après une course modérée, elle arriva à proximité du lieu où semblait avoir débarqué quelques hommes. Ean’muä se fichait éperdument de savoir pourquoi ils étaient là, ce qui l’intéressait c’était leur mode de vie, leur façon de marcher, toutes ces petites choses que l’on apprenait que sur le terrain. Elle maîtrisait leur langue, peut-être pas toutes les subtilités mais en attendant ce qu’elle recherchait n’était pas purement linguistique mais autrement plus profond et culturel.

A travers les plantes, elle esquissa un sourire alors que les prolémuris semblaient prendre un malin plaisir à se servir d’un Marcheur de Rêve comme plateforme intermédiaire. Sourire qui s’estompa bien vite lorsqu’elle vit la réaction pour le moins violente de ce dernier. Ils n’avaient pas perdus leurs habitudes. La menace semblait être chez les Humains comme une sous forme de respect, or y en avait-il vraiment besoin ? La peur sûrement, c’était bien connu, la peur faisait faire n’importe quoi. Ean constata soudain une chose scintillante tomber au sol, elle avait dû s’être détaché lors de « l’attaque » des prolémuris. A sa grande surprise l’homme tourna les talons et s’en alla.
Quelle drôle d’attitude… Venir au milieu de nul part et repartir sans rien prendre ni donner. Que pouvait-il bien chercher ? Ou au contraire, que voulait-il éviter ? La Na’vi attendit qu’il s’en aille plus loin, jusqu’à le perdre de vue. A ce moment là, elle sortit de sa cachette et s’enquit de trouver ce qu’elle avait vu tomber. Elle fouilla l’herbe et la terre pendant quelques secondes, scrutant du regard l’endroit approximatif de la chute tandis que ses mains caressaient l’herbe en espérant tomber sur quelque chose d’inhabituel. Ean’muä était une autochtone curieuse, très curieuse. Elle le porta bien vite à son oreille, rien. Elle l’examina de plus prêt, ça ressemblait vaguement à ce que lui avait donné un des scientifiques de la RDA. La Na’vi chercha à tâtons dans ses nombreux colliers et posa dans le creux de sa main une plaque militaire. Non, ce n’était pas ça non plus.

Elle l’avait vu tomber, cet objet était-il perdu ? Elle l’aurait évidement rendu à son propriétaire si elle le pouvait mais courir pour rattraper un Humain armé restait une option non envisageable. Elle ne pouvait pas laisser ce collier ici, au milieu d’une clairière aussi isolée que vide. Ean eut à peine le temps de penser à le mettre autour de son cou qu’elle entendit l’homme revenir et dégainer son arme. Elle n’avait jamais compris le réel système qui permettait de provoquer une blessure à distance sans que l’on voit le projectile partir. La Na’vi se contenta de le fixer de ses yeux jaunes, arrêtée en plein mouvement comme si son corps avait décidé de rester immobile. Elle ne bougeait pas et pourtant on pouvait clairement sentir que toute son attention était dans l’observation des mouvements de l’Humain. Ean’muä avait toujours eu peur des armes étranges des Marcheurs de Rêve.
Finalement, elle lui tendit l’objet qui lui appartenait, laissant ballotter le pendentif dont la chaîne était maintenue du bout de ses doigts. S’il y tenait tellement, il n’avait qu’à le prendre, elle était loin d’avoir pensé à mal en le ramassant.

A son remerciement Ean n’eut aucune réaction. Sans pour autant vouloir imiter l’homme dans son inflexibilité, elle demeurait cependant toute aussi distante que lui semblait l’être avec elle. Il rangea son arme, alors tout ce qu’il voulait c’était ce collier ? Tuer pour une parure ? C’était étrange comme comportement. La Na’vi parut intriguée, comme si quelque chose venait de sortir de l’ordinaire sans qu’elle puisse dire ce que c’était. Elle inclina légèrement la tête sur le côté, marquant son intérêt pour l’Humain en face d’elle. La jeune femme remarqua enfin ce qui l’intriguait, le Marcheur de Rêves n’avait pas son masque. Elle fronça un sourcil, à la fois étonnée et suspicieuse.
La première fois qu’elle avait réellement vu un homme sans ce poumon de verre ça avait été ce scientifique. Pour l’enlever il retenait sa respiration, il lui avait expliqué qu’ici l’air n’était pas le même que chez eux. Cependant, l’Humain en face d’elle ne lui paraissait pas se retenir de respirer le moins du monde. « Est-ce que tu parles ma lange ? », elle ne répondit pas. Ean se murait dans un silence volontaire et fit mine de ne comprendre que le mot de sa langue maternelle. C’avait été dit avec tellement d’hésitation et d’effort qu’elle eut un sourire réconfortant. La Na’vi se méfiait des Humains, chez eux le mot « ami » et « frère » prenaient vite une connotation de traîtrise.

L’homme se disait spécial. A savoir si c’était dans le sens de spécialiste ou d’extraordinaire – lui-même dans le sens où il sortait de l’ordinaire et non celui du fantastique ou du mirobolant. Il était temps de lever le voile, maintenant qu’il avait rangé son arme elle pouvait se permettre plus de choses. Au moindre mouvement elle serait prête à partir. Ean’muä avait changé, ce n’était plus cette fille téméraire qui fonçait tête baissée et accordait sa confiance à n’importe qui. Son expérience lui avait appris à se méfier plus que de raison, depuis le temps les tensions entre Na’vi et Marcheur de Rêves n’étaient toujours pas retombées. Peut-être était-ce l’occasion d’apaiser les tensions, après tout une pierre tombant du haut de la montagne pouvait se transformer en éboulement. Elle s’adressa donc à lui en langage de Marcheur de Rêves sur un ton volontairement solennel :

– « Pourtant nous sommes plus compréhensifs avec vous que vous ne l’êtes avec nous. »

La Na’vi se redressa, elle était maintenant debout, calme et sereine mais non sans sévérité dans le regard. Ce n’était pas la faute de cet homme si son peuple faisait n’importe quoi, elle le savait bien, mais elle ne pouvait se résoudre à parler comme elle le faisait auparavant. Elle avait perdu cette innocence, cette crédulité sans nom qui ne lui attirait que des problèmes.